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Une étude pour évaluer l'accès aux soins des personnes transgenres

Trois quarts des personnes transgenre déclarent avoir été mal à l'aise avec un médecin du fait de leur transidentité, et une personne sur deux dit avoir été victime de transphobie. Une étude veut faire la lumière sur leur accueil dans le système médical en Guyane.

  • Par: adminradio
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Pour rappel, une personne transgenre est une personne qui ne s'identifie pas au genre qu'on lui a assigné à la naissance, qu'elle ait entamé une transition biologique ou non. 

Partout dans le monde, les personnes trans font face à d’importants obstacles dans l’accès aux soins : manque de formation des soignants, discriminations au sein du système de santé… Selon des enquêtes récentes, un tiers des personnes trans renoncent à consulter en raison de préjugés de la part du personnel soignant, et trois quarts déclarent avoir déjà été mal à l’aise avec un médecin à cause de leur transidentité.

C’est pour cette raison qu’en Guyane, le Coress (Centre de coordination régionale en santé sexuelle) mène une étude pour évaluer la prise en soins des personnes transgenres par les professionnels de santé. 

Etat des lieux du système médical en Guyane 

À l’heure actuelle, peu de données existent sur le sujet en Guyane. L'étude a donc pour but de récolter des informations sur le ressentis des professionnels de santé quant à la prise en charge des patient.es transgenres, que ce soit dans le cadre de leur parcours de transition ou dans les gestes médicaux du quotidien, précise le Dr Nadia Thomas, gynécologue et membre du réseau Périnat Guyane : 

[L'objectif, c'est] d'apprécier le confort, les connaissances et l'adhésion des professionnels de santé à la prise en charge de ces personnes. Ça a commencé à ma connaissance. Le questionnaire a été mis en ligne hier et il va rester en ligne deux ou trois mois. Ensuite, il faudra prévoir un temps d'analyse des résultats de deux ou trois mois également.

C'est une étude à destination des professionnels de santé et des professionnels aussi médicaux administratifs. Il ne faut pas oublier que l'accueil des personnes transgenres, ça commence dès le secrétariat, que ce soit par téléphone ou en accueil physique.

Des freins sociétaux de taille pour une population marginalisée

Les soignants mais aussi le personnel administratif du monde médical auront donc la parole, avec l'espoir que lumière soit faite sur les freins réels auxquels font face les personnes trans dans leur expérience médicale. En effet, qu'il s'agisse de maladresses, de mégenrage (utiliser le mauvais pronom pour s'adresser au patient) ou de transphobie ouverte, difficile pour de nombreuses personnes transgenre de s'adresser spontanément à un médecin. 

Dans une vidéo publiée sur son compte Instagram, l'influenceuse transgenre Marley Harmonie tirait la sonnette d'alarme dans le cadre des mobilisations d'Octobre Rose contre le cancer du sein : 

"Suivre un traitement hormonal sans suivi médical peut exposer à des risques dans le développement des tissus mammaires, et donc à des risques de cancer du sein. [...] Il existe beaucoup de préjugés au niveau de la transphobie médicale. Trop de personnes trans renoncent à des soins à cause de la transphobie. Le genre ne devrait pas limiter l'accès aux soins."

Pour Nadia Thomas, les raisons de ce renoncement aux soins ne sont pas spécifiques à la Guyane, et se retrouvent dans des expériences de parcours de soin similaires ailleurs dans le monde. Parmi les raisons de cette marginalisation sanitaire, le médecin note une difficulté à tisser du lien lorsque la bienveillance est absente de l'échange entre le médecin et son patient. Elle évoque également une société dont la perception de la transidentité pose un principe de défiance : 

Par exemple pour un jeune homme trans, donc qui est une personne qui a été assignée de sexe féminin à la naissance et qui peut encore avoir ses organes génitaux féminins, ce n'est pas facile de prendre rendez-vous chez un gynécologue, que ce soit via Doctolib ou que ce soit en réel, d'attendre dans une salle d'attente où il n'y a que des femmes pour voir un gynécologue, ce n'est pas forcément simple, donc cela peut être une des causes de renoncement aux soins.


(In)former pour mieux accompagner 

L'objectif de l'étude est donc de permettre aux soignants et au système médical tout entier de formuler leurs éventuels doutes, appréhensions, ou méconnaissances au sujet de la transidentité, mais aussi de recueillir leurs éventuels besoins.

Mais au-delà même du système médical, force est de constater que c'est toute la société qui a besoin de se tenir informée afin de déconstruire les idées reçues et les préjugés qui fragilisent toujours plus une portion de la population. Selon une étude conduite aux Pays-Bas, le risque de développer un cancer du sein est 46 fois plus élevé pour les personnes transgenres que pour des personnes cisgenres (dont le genre correspond à celui qui leur a été assigné à la naissance).

Marley Harmonie insiste : 

"Nous devons être informés sur plusieurs types de sujets [...] En Guyane, encore aujourd'hui malheureusement, il y a un manque de développement pour les traitements endocrinologiques ou oncologiques. Il faut savoir que beaucoup de personnes feront de l'automédication, ou iront à l'étranger voire en Hexagone pour y recevoir un traitement adapté et sécurisé."

Un constat qui alerte sur la nécessité d'offrir un parcours de soins sûr pour toutes les personnes en Guyane, et - même constat pour le docteur Nadia Thomas - cela passe par de l'information et de la formation :

"Il y a un besoin d'information dans la population générale. Les professionnels de santé sont simplement aussi un reflet de la population générale. On trouve un petit peu de tout. En tout cas, plus on en parle, plus on informe les gens et moins il y a de rejet et de transphobie."

Cette démarche devrait permettre également d'identifier "les professionnels qui se sentent capables de prendre en charge les patients trans, et donc de pouvoir développer une sorte d'annuaire un peu informel de personnes à qui on peut s'adresser", conclut le Dr. Thomas.